En 2013, Nicolas Barral se voit proposer de reprendre les adaptations en BD, à partir de l'univers graphique mis en place par Jacques Tardi, des Nouveaux Mystères de Paris de Léo Malet. Il succède ainsi à Emmanuel Moynot qui fut le premier à reprendre une série qui doit autant à Léo Malet, le créateur du personnage de Burma, qu'à Tardi qui en fixa les traits et su aussi développer d'autres histoires (Une gueule de bois en plomb paru en 1990 et Du rififi à Ménilmontant paru en 2024).
Dans un interview Nicolas Barral revient sur le choix qu'il fit de mettre en scène et en dessins Boulevard... ossements, la 11e enquète menée par Burma.
« Tardi m’avait donné envie de découvrir les romans de Malet. Je connaissais Les Nouveaux Mystères de Paris que j’ai relus pour l’occasion. Boulevard… Ossements s’est imposé naturellement en raison de sa scène d’introduction plutôt comique et mouvementée, et de ses dialogues savoureux. Comme j’ai pas mal pratiqué l’humour ces derniers temps, la transition me paraissait plus facile..»
Nicolas Barral raconte « Nestor Burma, Boulevard… Ossements »
Nicolas Barral (dessins), d'après l'univers graphique de Jacques Tardi
Nestor Burma, Boulevard...Ossements, prépublication dans L'Etrangleur n°1, 13 mars 2013© CastermanCe qui est assez intéressant dans l'adaptation du début de Boulevard… ossements que propose Barral, c'est la présence du champagne qui était absente, ou du moins incertaine, dans le texte de Léo Malet. En effet, si Nestor et Hélène fêtent bien leur gain à la loterie, un verre à la main, du moins « à portée de la main.», rien n'indique qu'il s'agit de champagne.
C'est donc une lecture authentiquement effervescente de la première séquence du roman que propose ici Nicolas Barral !
Léo Malet
Boulevard… ossements
Les Nouveaux Mystères de Paris
(IXe arrondissement)
Par la fenêtre ouverte sur l’animation de la rue des Petits-Champs, des effluves printaniers pénètrent dans les locaux de l’Agence Fiat Lux, recherches en tout genre, missions de confiance et Nestor Burma, directeur.
Une brise légère agite, au balcon de la maison d’en face, au-dessus du bar-tabac, les deux drapeaux (un français et un britannique), qu’un citoyen conscient et organisé, respectueux des usages, admirateur de la Queen, et tout et tout, n’a pas jugé utile de décrocher, malgré le départ, qui remonte à plusieurs jours, de Sa Gracieuse Majesté.
La pipe au bec et un verre à portée de la main, je discute le coup avec Hélène, ma secrétaire, fêtant un autre joyeux événement. La dernière édition du Crépuscule vient de nous apprendre que le billet de la Loterie nationale que nous avons acheté en participation vient de sortir au tirage. Nous avons deux briques à nous partager.
Soudain, le bourdon de la porte palière retentit, interrompant notre conversation et indiquant que quelqu’un vient d’entrer dans le vestibule-salle d’attente. Hélène soupire et fait la moue. Je dis :
— Si vous tenez encore sur vos jambes, chérie, allez donc voir.
Elle resoupire, se lève, s’arrange un peu les cheveux, en les tapotant d’un geste gracieux, et va voir. Au bout d’un moment, elle revient, referme sur elle le panneau capitonné, s’immobilise contre, grimace et lève les yeux au ciel :
— Et voilà, dit-elle.
— Voilà quoi ?
— C’est toujours pareil. Lorsqu’on attend les clients, on ne voit pas la queue d’un, mais lorqu’on pourrait s’en passer…
— C’est un client ?
— Oui.
— Allure générale ?
— Neutre.
— Son nom ?
— Pas dit.
— Généralement, vous vous en informez.
— Généralement, peut-être. Mais aujourd’hui, c’est particulier.
— Ça va. Que veut-il ?
— Vous voir. Les gens sont curieux, ces temps-ci.
— Oui, c’est la visite royale qui déteint…
Je vide les cendres de ma bouffarde dans le cendrier :
— Me voir ! C’est tout ce qu’il a dit ?
— C’est tout.
— Eh bien…
Je fais disparaître pipe et boisson, je rajuste ma cravate :
— Je ne suis pas contrariant et ce n’est pas parce que nous avons gagné à la Loterie que je vais envoyer balader les clients.